Alors, qu’il en soit ainsi. Je ne n’apprêtai pas à rédiger mon carnet de route en employant la première personne du singulier après avoir utilisé « nous » pendant presque 7 mois! Cette séparation fera –désormais– partie du voyage.
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A présent, je suis seul sur la route. Mes esprits sont de nouveau en état d’affronter cette toute nouvelle partie du continent peu connue des Européens : l’Amérique Centrale.
Ils sont gentillets ces Ricains de Cancún, mais les seuls mots qu’ils ont réussi à me faire trotter dans la tête en quittant le Mexique ne sont pas des plus perspicaces : « T’es cinglé ! L’Amérique Centrale c’est méga-dangereux ! Y’a des brigands avec des guns et des couteaux là-bas ! Un ami m’a dit qu’il connaissait quelqu’un qui avait été braqué en Iran. » Un sac de nœuds d’ignorance et de préjugés. Ecoutes Yankee, le jour où tu réaliseras que les Etats-Unis d’Amérique n’est pas le continent d’Amérique à lui seul et encore moins le Monde entier, t’auras peut-être une once d’intelligence qui te permettra de ne pas confondre la moitié des continents et de situer enfin l’Iran en Asie Occidentale ! Allez… sans rancune hein ?
Être seul à ses avantages (heureusement j’ai envie de dire). Il faut croire qu’on est plus ouvert aux rencontres opportunes. Alors que je suis décidé à ne pas croupir ici, il est 6 heures du matin un 22 avril lorsque mes paupières ne souhaitent plus se détendre. A Tulum depuis à peine une journée, je comptais prendre le cap vers le Belize en bus mais les événements ont en décidés autrement. C’est là que je fais la rencontre de Daniel, Québécois et fier de l’être, attablé sur la même table de l’auberge que moi, qui m’interroge sur la direction que je prenais. Ce drôle de luron n’avait pas encore ouvert la bouche qu’il me faisait déjà rire : « Y’a deux types et un char noir, s’tu veux embarquer? On cherche quelqu’un pour tripper ». Sans pour dire, il m’intriguait déjà bien assez pour ne pas refuser. Puis, arrivent les deux autres gars Valerian et Thibaud, deux français de La Rochelle. Pas besoin de tourner autour du pot ou… du bananier, au fond j’avais déjà accepté la proposition. Ces deux compagnons, l’un la gueule barbouillée de cambouis d’une manière disons assez… artistique, et l’autre d’un air un peu émerveillé par le monde, me semblait effectivement être un bon début d’aventure. Ils avaient fait l’acquisition quelques jours plus tôt pour 1000 billets vert d’une Chevrolet noire à la coupe sportive et profilée immatriculé MEXICO avec laquelle ils étaient décidés -coûte que coûte- à descendre l’Amérique Centrale jusqu’au Costa Rica. Inch Allah… Vamos! Ca sent la galère à plein le nez ça aura au moins l’avantage de changer du petit quotidien qui s’était installé avec les liaisons en BUS de villes en villes. C’est sûr que pour mille dollars, il ne fallait pas s’attendre à des merveilles et un trajet sans le moindre contretemps mécaniques… D’ailleurs eux-mêmes s’étonnaient qu’après tant de réparations elle semblait fonctionner à peu près normalement… du moins jusqu’à aujourd’hui.
Un café vite avalé, un dernier check-up huile moteur et pression des pneus (pour faire genre mais en réalité pour se rassurer), nous étions en piste compressés dans le bolide sous la chaleur écrasante du Mexique pour cinq heures en direction de la frontière Mexique/Belize. Une frontière… et les premières galères surgissent. Les papiers de la voiture ne sont pas en règle. Bigre ! Comment ça ?! Mais bon, ça n’a pas eu l’air de gêner trop les douaniers qui semblent en faire abstraction contre une assurance Bélizienne pour la caisse (sûrement payée un peu plus chère qu’habituellement). Un tampon dans le passeport et le tour est joué.
YEAAAAHHH, on est au Belize ! Alors déjà premièrement, le Belize est un pays situé à l’est du Guatemala. La Capitale n’est pas Belize City mais Belmopan. Mais, vous allez me dire, y’a quoi au Belize ? Bah pas grand-chose, il y a beau avoir plus de 300 000 habitants, on en a pas croisé un seul en une bonne heure de route !!! A part ça, premier scoop le Belize c’était le refuse des corsaires, des pirates et des flibustiers. Mais rassurez-vous de nos jours, ça existe plus que dans les films… Sinon, que dire d’autre d’important… ah oui, actuellement, le chef d'État c’est ni Pedro Gonzales ni José c’est… la reine Élisabeth II !! Ca vous en bouche un coin hein ? Les quelques routes de terre qui sillonnent le pays nous conduisent à une petite ville où les locaux nous déconseillent de sortir après la tombée de la nuit. Bien que nous ayons la sérieuse impression que le quartier semble un peu hostile, « El Diablo » (surnommé ainsi après sa première frontière) intimide les quelques téméraires qui tentent de l’approcher. Beware, K2000 is in the place ! Le Lendemain, nous découvrons un Belize déserté et vide (comme la vieille à vrai dire), comme si une épidémie avait ravagé les terres. On a finalement trouvé une explication… Au Belize, quand le Lundi est férié c’est toute la semaine qu’il l’est ! Du coup tout était fermé et inanimé. Les quelques gus que l’on croise roulent en BMX (!) avec une machette dans le dos et d’autres trucs encore plus intimidants coincés à la ceinture. Ici on cause en Anglais et on paie en Dollars Belize (2 BZD = 1 USD). C’est cool le Belize mais il va falloir demander notre chemin parce qu’ici les indications ça n’existe pas ! Le type (le plus gentil qu’on a essayé de repérer) et sa machette (ne pas oublier la machette) qui avait l’air d’avoir bien servie, nous pointe du doigt la direction opposée, s’accoude à la portière conducteur, tend son poing vers Val et nous balance un « Respect Belize ». « euh… OK, Man ! Respect Belize ! » On a pigé le message, pas besoin de sortir ton sabre !! No worries. Leave no trace comme on dit…le principe du Roadtrip, hein ?!». Demi-tour toute, c’était évidemment l’autre chemin de terre… « Calisse, il a failli nous faire capoter c’lui là ! Gang de niaiseux » balance à son tour le Québécois ! C’est là qu’on s’est dit qu’on n’avait pas fini de se marrer avec un Québécois à bord… mais on s’est aussi dit qu’on n’était pas au bout de nos surprises avec une plaque Mexicaine au cul. Du coup, on ne fera que « passer » par Belize City et Belmopan. La ville est sûrement remplie de gens très accueillant mais la capitale ne nous a pas vraiment inspiré confiance. Ah ouais ? Essayez donc de demander votre direction sans détourner le regard à un grand Noir avec des grands yeux, des grandes dents et un grand couteau à la main…
Les murs sont tagués et mal entretenus. Les clochards qui jonchent encore le sol à midi et les chiens osseux qui errent dans les rues nous donnent le sentiment de circuler dans un quartier vraiment ghetto d’une cité mal famée. « Y’a rien à faire ici à part se faire dépouiller. » Et les quelques touristes que l’on croise baissent la tête et rasent les murs…
L’après midi même, on passe alors la frontière du Guatemala où les choses se sont sérieusement corsées… à cause de ces fichus papiers du véhicule. Il fallait s’en douter. Les longues heures de négociation à la frontière guatémaltèque nous ont bien fait comprendre qu’El Diablo n’avait pas fini de nous empoisonner. Il nous manquait l’attestation officielle de la vente de la voiture rédigée par un notaire publique. En résumé, tout ce qui prouve que la voiture appartient à Valerian. Rien que ça. Et y’a rien à faire, ils ne voulaient pas nous laisser passer. « Allez vous procurer cette attestation à Tulum et revenez me voir » nous disait le douanier avec un air plutôt satisfait. Comme si on allait se retaper les 970Km d’aller-retour pour un simple bout de papier ! Il était hors de question de faire marche arrière et on commençait à envisager un sérieux back-chiche. Toutefois, il nous fait comprendre après quatre bonnes heures d’attente supplémentaires qu’avec de simples photocopies de tous les papiers du véhicule et de nos passeports, il aurait accepté de fermer les yeux !!! « Et, il aurait pas pu le dire avant ? Pfff.» Plus de doute, on a vite saisi comment ça fonctionnait en Amérique Centrale si t’es pas en règle (ou même si tu l’es en fait). Tu fermes ta g….., t’attends comme un c.., t’attends encore histoire de te faire un peu plus chier, tu montres que c’est lui le boss (ce qui n’est pas faux en soi), que c’est lui le chef du tampon et le roi de la paperasse. De toute façon vous verrez, les gardes armés jusqu’aux dents avec des armes que vous n’avez vu que dans les jeux vidéos vous convaincront rien qu’avec le regard. C’est dingue comme je peux détester les frontières, c’est stressant et c’est de loin l’endroit qui fait rêver. Il y a toujours ces étranges bonhommes qui vous colle aux basques comme un tube de super glue et qui essaient sans relâche de vous vendre leurs soi-disant papiers obligatoires pour passer la frontière à des prix toujours différents d’une minute à l’autre. Foutaise !
Du coup, concernant notre expérience au Belize, rien de vraiment reposant et palpitant –auquel cas il y aura ni album photo ni vidéo. En revanche, à peine arrivés au Guatemala, on retrouve les petites roulottes pour casser la croute pour trois francs six sous et la musique de rue qui vous incite à aller voir ce qui se passe dehors.
Du peu que je sais, Thomas est arrivé plus tard que moi et a pu bénéficier d’une atmosphère plus sociable et plus riche en rencontres lors de son passage sur la côte Bélizienne.